La Loire et les associations : deux exemples d’actions de la SEPANT en Indre-et-Loire

Note à l’attention de Gérard Van Oost, suite à son entretien avec des représentants du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable

1. La destruction de la forêt alluviale de Bondésir - Montlouis-sur-Loire, décembre 2016

1A. Les faits.

La SEPANT s’était fortement mobilisée en 2016-2017, avec des habitants de Montlouis-sur-Loire, contre l’arasement de 14 hectares de forêts alluviales sur le site de Bondésir, au bord duquel se trouve notamment la Maison de la Loire d’Indre-et-Loire. Cette destruction avait été décidée par la DDT 37 (dont le Directeur était à l’époque M. Laurent Bresson, promu depuis DDT de Seine-Maritime), en arguant de la protection contre les risques d’inondation. Or on peut constater qu’à cet endroit le lit majeur de la Loire est très large (200 mètres environ) et que la forêt alluviales n’entraîne pas de risque de forte d’élévation de la ligne d’eau, suscitant un risque pour les riverains en cas de hautes eaux. Après enquête, il est apparu qu’en fait la DDT 37 répondait à une sollicitation d’une association de riverains de la D. 751 longeant la Loire, l’association du Bas Rocher, relayée par le Maire de Montlouis . Il s’agissait pour les habitants des pavillons bordant cette route d’avoir une vue sur la Loire, pour des raisons d’agrément, et de hausse de la valeur de leurs biens fonciers. L’exploitant d’un restaurant troglodyte était également intervenu auprès du Maire, pour que l’on ait une vue sur la Loire en sortant de son établissement.

Cette opération n’avait donné lieu à aucune concertation avec les associations environnementales, ni la Maison de la Loire, ni avec le Conservatoire des Espaces Naturels du Centre-Val de Loire, qui a la charge de la gestion de ce site classé Natura 2000 (vallée de la Loire de Mosnes à Candes-Saint-Martin).

1B. La biodiversité sur le site de Bondésir.

La richesse naturaliste de cette forêt alluviale est considérable, s’agissant d’une zone de contact entre la terre et l’eau. Rien qu’en terme de faune, outre la présence du castor d’Europe, on y relève une dizaine d’autres espèces protégées au niveau européen : des espèces d’oiseaux nicheurs comme la sterne naine, la sterne pierregarin, la mouette mélanocéphale ; également le martin-pêcheur, la pie-grièche écorcheur, l’hirondelle des rivages ; pour l’entomofaune le grand capricorne, le pique-prune, le lucane cerf-volant (coléoptères), le gomphe serpentin (odonate). C’est aussi en période de migration une halte importante pour de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs : on y observe en particulier les vanneaux, ou les chevaliers : gambette, ou cul-blanc, autres espèces protégées.

1C. Un montage financier original.

L’opération n’a pas généré de coût pour la DDT 37 : l’entreprise prestataire devait se payer sur les ventes des plaquettes forestières, après coupe des arbres et broyage immédiat de ceux-ci. Une énorme butte de plaquettes forestières, fumant en raison de la fermentation du bois, s’est dressée en bordure de cette zone pendant de nombreux mois, jusqu’à ce que fin 2017 le prestataire trouve un débouché, en l’occurrence une centrale biomasse d’Orléans, à 120 km du site. Ce stockage a entraîné  la fermeture de l’une des stations de pompage d’eau de la ville de Montlouis, les plaquettes en fermentation ayant été entreposées à proximité immédiate, sur décision de l’ARS que la SEPANT avait alerté.

1D. Les actions de la SEPANT à la suite de la destruction de la forêt alluviale de Bondésir.

« Un désastre environnemental à Montlouis » avait titré le quotidien régional la Nouvelle République, à la suite du communiqué de presse diffusé par la SEPANT. Quelques reportages ont été réalisés sur place par France 3 ou TV Tours. Des courriers d’alerte ont été envoyés au Préfet, à la DREAL, au  Conseil Régional, au Conseil Départemental, aux parlementaires d’Indre-et-Loire, à des personnalités nationales de la protection de l’environnement. Une manifestation sur le site a été organisée par une association montlouisienne avec la participation de la SEPANT, une soirée-débat a été organisée sur les forêts alluviales par la SEPANT. Une plainte contre X pour destruction d’habitats d’espèces protégées, visant l’exploitant, a été déposée auprès du Procureur de la République de Tours (elle n’a pas abouti jusqu’ici, cependant l’affaire n’est pas classée). Rencontré par les responsables de la SEPANT, le Directeur Départemental des Territoires a défendu cette opération en rappelant la nécessité de lutter contre les risques d’inondation de la Loire, le caractère novateur du montage financier de l’opération (alors que la DDT manque de crédits pour des travaux d’entretien), et le fait qu’il était soumis à de fortes pressions de la part d’acteurs locaux.

1E. Un résultat indirect : le plan de gestion pluriannuel du lit de la Loire.

Les remous provoqués par cette affaire ont rencontré un écho à la DREAL du Centre-Val de Loire, qui a la notamment la responsabilité de la protection de la biodiversité, ainsi que la supervision des travaux sur la Loire. Or si une opération ponctuelle sur un élément forestier n’appelle pas d’objection de la DREAL, la multiplication des chantiers tout au long de la Loire, en revenant parfois tous les trois ans sur les mêmes sites (comme c’est le cas en Indre-et-Loire), se traduit à la longue par des atteintes certaines à la biodiversité, ainsi que par l’ouverture massive des espaces déboisés aux espèces invasives (jussie, ambroisie, paspale à deux épis, renouée du Japon, érable negundo, etc.) dont la progression est spectaculaire dans le Val de Loire.

Dans le cadre du Comité des usagers du Domaine Public Fluvial de la Loire en Indre-et-Loire, la DREAL a imposé avec l’aide des associations environnementales (SEPANT, LPO principalement) et de la Fédération de Pêche, le principe de l’élaboration d’un plan de gestion pluriannuel du lit de la Loire. Celui-ci suppose une programmation raisonnée des interventions, et l’évaluation des propositions d’intervention au regard des risques (ou de l’absence de risques) pour les digues et pour les populations. C’est ainsi que plusieurs propositions d’interventions formulées par les DDT 37 ont été écartés, lorsque les dangers dus à l’élévation de la ligne d’eau du fait de la présence des arbres n’étant pas suffisamment établis.

L’affaire de Bondésir, si elle apparaît comme une défaite pour les défenseurs de l’environnement, a cependant permis une avancée dans l’approche des travaux réalisés dans le lit majeur de la Loire, et généré un effort de conciliation entre la prise en compte du risque d’inondation, et la prise en compte de la biodiversité ligérienne.

2. L’élaboration de la SLGRI et du PAPI : la SEPANT en soutien des aspects novateurs de ces programmes.

2A. Rappel du cadre institutionnel.

Le PPRI du Val de Tours/Val de Luynes (concernant aujourd’hui Tours Métropole Val de Loire et la Communauté de Communes Touraine-Est Vallées) a été élaboré en petit comité, entre les services de l’État et ceux des collectivités territoriales concernés (2012-2016). L’élaboration de la Stratégie locale de gestion des risques d’inondation (SLGRI), concernant aujourd’hui Tours Métropole Val de Loire et la Communauté de Communes Touraine-Est Vallées, en 2017, a été un peu plus ouverte (communication avec le Conseil de développement de ce qui était alors la Communauté d’Agglomération Tour(s)Plus). Puis l’élaboration du Programme d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI) en 2018-2019 a été beaucoup plus ouverte, les associations ayant été conviées à participer à des réunions de présentation des projets susceptibles d’être inscrits dans le PAPI, et à cette occasion elles ont pu formuler des suggestions. Elles ont notamment joué un rôle de soutien actif des propositions du vice-président de Tours Métropole Val de Loire en charge du risque inondation, M. Jacques Le Tarnec (Maire de Berthenay) et de l’administration de Tours Métropole, qui leur paraissaient les plus novatrices, dans le sens de l’intérêt collectif des habitants de l’agglomération de Tours. Les associations sont maintenant associées à la gouvernance de la SLGRI et du PAPI, à travers leur participation aux deux COPIL qui ont récemment été mis en place par les deux EPCI concernées, TMVL et CCTEV.

2B. Les points sur lesquels la SEPANT a obtenu satisfaction.

Dans le cadre du PAPI de l’agglomération de Tours (qui vient d’être approuvé par le Ministère chargé de la Transition Ecologique), la SEPANT a marqué sa satisfaction notamment vis-à-vis de deux propositions qui ont été retenues, et qu’elle avait soutenues :

– le travail a mené en vue de l’acquisition d’une culture du risque, par les populations concernées, sur la base d’un travail de communication à mener sur le long terme, et auquel les associations souhaitent participer. Le concept de résilience d’un territoire, souvent évoqué dans le cadre de ces programmes d’actions, est étroitement lié à la culture du risque ;

– le principe d’une surverse contrôlée, pour pouvoir gérer des crues centennales de la Loire, en évitant qu’une trop forte pression sur les digues entraîne un risque de rupture. La surverse contrôlée se traduit par un abaissement de la digue a un endroit où il y n’a pas ou peu d’habitations dans le val, et où l’eau peut se déverser par-dessus la digue de façon non torrentielle, et sans entraîner de dommages trop importants. Dans l’agglomération de Tours, c’est le site de Conneuil, en rive gauche de la Loire (à La Ville-aux-Dames, en limite de Montlouis), qui serait retenu pour cette surverse contrôlée.

En revanche, certaines propositions figurent dans le PAPÏ que la SEPANT avait combattu, comme par exemple la création de tertres adossés à la digue de la Loire, qui seraient des ilots habités « hors d’eau » quand tout serait noyé autour.

La SEPANT est présente sur les études concernant la Loire par d’autres actions : naturalistes, par les inventaires de biodiversité végétale menés dans des communes riveraines du fleuve ; culturelles, par l’organisation du colloque « La Loire dans tous ses états » conjointement avec l’Université de Tours en mai 2018, notamment. Voire également philosophiques : certains adhérents de la SEPANT assistent aux réunions du « Parlement de Loire », qui prône la reconnaissance de la personnalité juridique de la Loire, comme c’est le cas pour d’autres fleuves dans le monde, en Inde ou en Nouvelle-Zélande par exemple…